Le 19 janvier 2024, la High Court of Justice d’Angleterre et du Pays de Galles (la « High Court ») a rejeté la demande du Zimbabwe visant l’annulation d’une ordonnance d’exécution d’une sentence arbitrale, estimant que l’immunité de juridiction ne pouvait pas être invoquée à ce stade de la procédure.
La sentence en question, rendue sous les auspices du Centre international pour le règlement des différends investisseurs-État (le « CIRDI »), a été prononcée au terme d’un litige relatif à l’expropriation en 2005 par le Zimbabwe de propriétés détenues par les demandeurs, deux sociétés zimbabwéennes, à la suite du programme de réforme agraire favorisant la population autochtone. Le 28 juillet 2015, le tribunal arbitral a conclu à l’expropriation illégale des terres et a ordonné au Zimbabwe la restitution des titres légaux et le versement aux demandeurs de l’équivalent de 125 millions de dollars en dommages.
En 2021, la sentence n’ayant toujours pas été honorée, les demandeurs ont introduit une demande d’enregistrement de la sentence en Angleterre en vertu de l’article 2 de l’International Investment Disputes Act 1966. Celle-ci ayant été accueillie, le Zimbabwe a demandé l’annulation de l’ordonnance d’enregistrement, au motif que le Zimbabwe bénéficie de l’immunité de juridiction devant les tribunaux britanniques en vertu de l’article 1 du State Immunity Act 1978.
Suivant un raisonnement « nouveau », au soutien duquel la High Court admet qu’il n’existe aucune « autorité directe », celle-ci conclut qu’un État n’est pas mis en cause tant que la sentence arbitrale ne lui a pas été signifiée, et que la doctrine de l’immunité ne joue pas au stade de l’enregistrement.
Ce n’est qu’au stade de la signification que l’État est formellement mis en cause et que la compétence des juridictions nationales est formellement revendiquée. L’État conserve par ailleurs la possibilité de faire valoir son immunité avant toute tentative d’exécution sur ses biens.
A l’inverse, l’enregistrement d’une sentence ne requiert des tribunaux que l’accomplissement d’un acte « essentiellement ministériel », en conformité avec les obligations internationales du Royaume-Uni. En effet, un tel acte ne fait que reconnaître le caractère obligatoire de la sentence, ce que l’État s’est déjà engagé à faire en vertu de l’article 54, paragraphe 1, de la convention CIRDI.
Si la solution n’est pas surprenante, le raisonnement de la High Court mérite attention puisque celle-ci se refuse à suivre la jurisprudence anglaise et internationale existante qui se prononce plutôt sur la question de savoir si la convention CIRDI constitue une renonciation effective à l’immunité juridictionnelle (voir notamment : Infrastructure Services Luxembourg Sarl c. Espagne, [2023] EWHC 1226).
Référence: Judgment of the High Court of Justice of England and Wales [2024] EWHC 58