L’affaire Micula : le versement de dommages-intérêts en exécution d’une sentence arbitrale constitue bien une aide d’Etat

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne (« TUE ») du 2 octobre 2024 sur l’affaire Micula porte sur la compatibilité avec le droit de l’Union d’une indemnisation accordée à la suite d’une sentence arbitrale prononcée contre la Roumanie.

Le litige trouve son origine dans l’abrogation par la Roumanie, en 2005, d’un régime d’incitations fiscales en faveur des investisseurs dans certaines régions défavorisées. Plusieurs sociétés du groupe European Food and Drinks Group (EFDG), contrôlées par les investisseurs suédois MM. Ioan et Viorel Micula, ont estimé que cette abrogation violait les protections offertes par le traité bilatéral d’investissement (« TBI ») signé entre la Roumanie et la Suède en 2002. En 2013, un tribunal arbitral constitué en vertu du TBI a condamné la Roumanie à verser environ 178 millions d’euros aux requérants en réparation du préjudice subi.

La Commission européenne a toutefois considéré que ce versement constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107 paragraphe 1 du TFUE. Le TUE avait initialement annulé la décision de la Commission, mais la Cour de justice de l’Union européenne, sur pourvoi, a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire pour un nouvel examen.

Dans son arrêt du 2 octobre 2024, le TUE rejette les recours contre la décision de la Commission, confirmant la qualification du versement en cause comme une aide d’État incompatible avec le droit de l’UE.

Dans son arrêt, le TUE estime que la mesure d’aide examinée est bien le versement des sommes en exécution de la sentence, et non la sentence elle-même. Le TUE précise que, même si la sentence arbitrale est à l’origine du versement, ce dernier constitue une mesure d’aide distincte qui améliore la situation financière des bénéficiaires.

Concernant l’existence d’une aide d’État, le TUE confirme que le versement de dommages-intérêts en exécution de la sentence arbitrale procure à l’entreprise bénéficiaire un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions de marché normales. En effet, les dommages-intérêts accordés par le tribunal arbitral compensaient les pertes résultant de l’abrogation du régime d’incitations fiscales, notamment les coûts supplémentaires associés aux droits de douane et la perte de ventes de produits finis. Le TUE a également souligné que l’essentiel était d’analyser l’effet de la mesure sur la situation financière des bénéficiaires, et non l’origine du préjudice.

En conséquence, les compensations versées en exécution de la sentence arbitrale correspondaient à un allègement des charges économiques qui auraient pesé sur les entreprises dans des conditions de marché normales.

La Roumanie, Etat membre de l’Union européenne, est donc tenue de refuser l’exécution de la sentence en raison de la primauté du droit de l’Union sur les accords internationaux conclus entre Etats membres.

TUE, 2 octobre 2024, T‑624/15 RENV, T‑694/15 RENV et T‑704/15 RENV.

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