La Cour d’appel de Londres d’Angleterre et du Pays de Galles refuse l’exécution d’un jugement étranger étant incompatible avec des sentences arbitrales rendues à Londres concernant la même affaire au motif que cette exécution serait contraire à l’ordre public.
L’affaire était en relation avec la marée noire consécutive au naufrage du MT Prestige au large des côtes de la Galice, le 19 novembre 2002.
Le navire appartenait à Mare Shipping Inc. (le « Propriétaire ») et était géré par Universe Maritime Limited (le « Gestionnaire »). La London Steam-Ship Owners’ Mutual Insurance Association Limited (le « Club »), a fourni une assurance de protection et d’indemnisation au Propriétaire et au Gestionnaire du navire, laquelle comprenait une clause d’arbitrage (prévoyant un siège à Londres) et une clause « pay to be paid » qui prévoyait que le Club n’indemniserait les tiers-victimes que si le Propriétaire et le Gestionnaire s’étaient préalablement acquittés des sommes dues en raison de l’engagement de leur responsabilité.
À la suite de la marée noire, de multiples procédures ont été initiées.
En Espagne, les juridictions nationales ont retenu la responsabilité du capitaine du navire, du Propriétaire et du Club. Ce dernier été condamné, le 1er mars 2019, par un tribunal espagnol au paiement d’environ 855 millions d’euros à l’Espagne et la France.
Or, cette décision était incompatible quant au fond avec plusieurs sentences arbitrales favorables au Club :
- En 2013, une première série de sentences arbitrales rendues à l’encontre de l’Espagne et de la France obligeait les deux Etats à respecter la clause d’arbitrage ainsi que la clause « pay to be paid» ;
- En 2019, une nouvelle série de sentences arbitrales enjoignent à l’Espagne et à la France de recourir à l’arbitrage.
Ayant demandé l’exécution en Angleterre du jugement espagnol du 1er mars 2019, l’Espagne a été déboutée de sa demande devant la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles ; par arrêt du 12 décembre 2024.
L’arrêt est motivé au regard de l’article 34(1) du Règlement Bruxelles I en raison de sa contrariété aux sentences arbitrales précédentes. La Cour juge à cet égard que « le fait de ne pas donner effet à l’autorité de la chose jugée (res judicata) créée par une sentence arbitrale contraignante serait manifestement contraire à l’ordre public anglais dans le cadre de l’article 34(1) [du Règlement Bruxelles I] ». Plus précisément, le défaut de reconnaissance de l’autorité de la chose jugée attachée à une sentence arbitrale « constituerait une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État membre ».