DISPUTE RESOLUTION BOUTIQUE

La Cour d’appel de Paris précise les limites des droits du cessionnaire en cas de recours en annulation contre une sentence arbitrale ou d’appel contre une ordonnance d’exequatur

Un arrêt remarqué de la Cour d’appel de Paris du 10 septembre 2024 précise la portée d’une cession quant aux droits du cessionnaire de demander l’annulation d’une sentence ou d’interjeter appel contre l’ordonnance d’exequatur.

Les faits étaient les suivants.

En l’espèce, à la suite de la résiliation d’un contrat de concession conclu entre la société indienne Devas et l’entreprise publique indienne Antrix, la première avait initié contre la seconde un arbitrage CCI. A l’issue de cette procédure, une sentence a été rendue au profit de Devas ; l’exequatur en a été obtenu en France.

Parallèlement, les actionnaires de Devas, de nationalité mauricienne, ont initié un arbitrage contre la République d’Inde fondé sur le Traité bilatéral d’investissement conclu entre l’Inde et la République de Maurice. Cette procédure a donné lieu à la reddition de deux sentences au bénéfice des actionnaires de Devas, également déclarées exécutoires en France.

Une fois l’exequatur obtenu, les actionnaires de Devas ont transféré leurs droits dans les sentences, par le biais d’assignment agreements de droit anglais, au profit de sociétés américaines. Ces dernières sont intervenues volontairement à la procédure d’appel contre les ordonnances d’exequatur.

La Cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance du Conseiller de mise en état ayant déclaré recevable l’intervention des cessionnaires.

D’une part, concernant l’intervention de tiers au recours contre la sentence, la Cour d’appel de Paris a rappelé les règles strictes d’intervention du droit procédural civil français. Elle note que l’intervention volontaire des tiers n’est admise « ni dans les recours en annulation contre la sentence arbitrale, ni dans le cadre de l’appel de l’ordonnance d’exequatur, sauf volonté expresse des parties, ce qui ne saurait résulter que de la convention des parties ».

D’autre part, concernant la succession de tiers aux droits d’une partie à la sentence, la Cour d’appel de Paris estime que les assignment agreements de droit anglais constituent des cessions de créances. Ainsi, elle constate que les cessionnaires demandent à titre personnel la confirmation d’une ordonnance d’exequatur en application d’un droit qui leur serait propre en raison de la cession, et ce en présence des cédants à la procédure. Ainsi, elle conclut que les cessionnaires, même si elles avaient un intérêt à exécuter la sentence pour recouvrer la créance, ne peuvent invoquer à leur profit un transfert du droit d’agir en annulation de la sentence, ni du droit d’interjeter appel contre l’ordonnance d’exequatur puisque « ces droits [sont] strictement attachés à la qualité de partie à l’arbitrage, qui n’appartient qu’aux parties à la sentence ou aux tiers conventionnellement admis comme parties ».

Seules les parties à l’arbitrage ont donc la faculté d’exercer les voies de recours contre la sentence rendue ou contre l’ordonnance d’exequatur. L’arrêt est vivement critiqué en doctrine.

CA Paris, Pôle 5 chambre 16, 10 septembre 2024, n° 24/00152.

ACTUALITÉS

Actualités

Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter.