Dès lors que les biens d’un État ne sont pas spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des missions diplomatiques ou consulaires, la renonciation expresse de l’Etat à l’immunité d’exécution suffit pour que les actifs en cause puissent faire l’objet d’une mesure d’exécution, peu important leur nature fiscale, et sans que soit requise une renonciation spéciale.
Aucun principe ne s’oppose à ce que les créances fiscales que l’État étranger détient sur un redevable domicilié en France fassent l’objet de mesures d’exécution en France au siège du redevable, même si la créance fiscale en cause a été engendrée par l’activité exercée sur le territoire de l’Etat étranger par une succursale locale de la société française.
En novembre 2016, en exécution d’une sentence arbitrale condamnant le République du Congo à lui verser diverses sommes, la société Commisimpex a fait pratiquer une saisie-attribution de créances entre les mains de la société EDF Africa Services, redevables d’impôts et taxes envers la République du Congo en raison de l’activité de sa succursale congolaise.
La République du Congo a demandé la mainlevée de la mesure. Par arrêt du 3 mai 2018, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande au motif qu’une renonciation expresse à l’immunité d’exécution d’un Etat suffit pour pratiquer des mesures d’exécution sur les créances de nature fiscale.
La République du Congo faisait valoir deux moyens de cassation contre cet arrêt.
Le premier était fondé sur la théorie classique des immunités. L’Etat soutenait à cet égard que, si les Etats peuvent renoncer à l’immunité d’exécution sur des biens utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques ou se rattachant à l’exercice de prérogatives de puissance publique, ce qui est le cas des créances fiscales et sociales, cette renonciation doit être « expresse et spéciale ».
Le second était fondé sur le principe de territorialité des voies d’exécution. L’Etat reprochait à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande de mainlevée, alors que les biens faisant l’objet de la saisie constituaient des créances fiscales et que les principes de territorialité des voies d’exécution et de recouvrement de l’impôt excluent que des créances de nature fiscale puissent être appréhendées sur le territoire d’un Etat autre que l’Etat d’imposition.
Par son arrêt du 13 avril 2023, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
D’une part, la Cour confirme que, dès lors que les biens d’un État ne sont pas spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des missions diplomatiques ou consulaires, une renonciation expresse à l’immunité d’exécution suffit pour que les actifs concernés fassent l’objet d’une mesure d’exécution, sans que soit requise une renonciation spéciale.
D’autre part, la Cour de cassation retient que, dès lors qu’un Etat étranger renonce à son immunité d’exécution, aucun principe ne s’oppose à ce que des créances de nature fiscale que l’Etat détient sur des redevables domiciliés en France fassent l’objet de mesures d’exécution de droit commun de la part du créancier bénéficiaire de cette renonciation.
La Cour de cassation retient enfin qu’en vertu du principe d’unicité du patrimoine, les créances de nature fiscale détenue par la République du Congo à l’encontre d’une société française, en raison des activités exercées par la succursale congolaise de cette dernière, sont réputées localisées au siège social français aux fins de saisie. La société Commisimpex pouvait donc saisir au siège de la société EDF Africa Services la créance fiscale détenue à son encontre par l’Etat congolais.
L’arrêt du 13 avril 2023 satisfera les créanciers désireux de faire exécuter en France les condamnations arbitrales prononcées à l’encontre d’Etats étrangers détenant des actifs en France. Il ne fait en revanche pas les affaires des entreprises françaises redevables de dettes fiscales ou sociales à l’égard d’Etats étrangers qui ne se satisferont évidemment pas du paiement fait à un créancier saisissant et continueront de réclamer le paiement de l’impôt. Ces entreprises françaises se retrouvent donc de fait cautions solidaires des dettes des Etats. C’était pourtant l’un des objectifs affichés de la loi Sapin II que de les protéger contre ce risque…
Cass. Civ. 1, 13 avril 2023, n° 18-20.915, Publié au Bulletin