Saisie d’une question préjudicielle dans un litige concernant la reconnaissance en Lituanie du jugement d’un tribunal néerlandais s’étant déclaré compétent en méconnaissance d’une clause d’élection de for, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) répond que l’existence d’une telle clause n’est pas un motif de refus de reconnaissance du jugement au sein de l’UE.
Pour atteindre cette conclusion, la CJUE écarte deux moyens:
D’une part, l’article 45(1)(e)(ii) du Règlement Bruxelles I Bis permet à une juridiction de refuser de reconnaître une décision d’un autre Etat membre si celle-ci méconnait la section 6 du chapitre II du Règlement concernant les compétences exclusives. Toutefois, cet article ne renvoie pas aux dispositions de l’article 25 du Règlement relatif aux clauses d’élection de for. La violation de cet article n’est donc pas un motif de refus de reconnaissance.
D’autre part, l’article 45(1)(a) du Règlement Bruxelles I Bis permet également de refuser la reconnaissance d’une décision étrangère si celle-ci contrevient manifestement à l’ordre public de l’Etat requis. La CJUE précise que le la violation manifeste de l’ordre public ne peut s’entendre des règles de compétence, sauf renvoi exprès à ces dernières. Par conséquent, la méconnaissance d’une clause d’élection de for ne peut être en soi un motif valable pour refuser la reconnaissance d’une décision rendue dans un autre Etat membre.
La CJUE ajoute par ailleurs que l’exception d’ordre public doit recevoir une interprétation stricte, nécessitant que soit démontrée « une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’Etat membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique ». Or, « le seul fait qu’une action ne soit pas jugée par la juridiction désignée dans une convention attributive de juridiction et que, par conséquent, il ne soit pas statué sur cette action selon le droit de l’État membre dont relève cette juridiction ne saurait être considéré comme une violation du droit à un procès équitable d’une gravité telle que la reconnaissance de la décision sur ladite action serait manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis ».
Les tribunaux de l’Etat requis n’ont donc pas la possibilité de refuser la reconnaissance d’une décision rendue par une juridiction d’un autre Etat membre au seul motif que cette dernière s’est déclarée compétente en méconnaissance d’une clause attributive de juridiction. Cette solution conforte le principe selon lequel, sauf exception, un tribunal ne saurait contrôler la compétence d’une juridiction d’un autre Etat membre.