Une SARL absorbante peut être tenue pénalement responsable des faits commis par la SARL absorbée

La chambre criminelle de la Cour de cassation jugeait traditionnellement que la société absorbante ne pouvait pas être tenue pénalement responsable des actes commis par la société absorbée avant la fusion (Crim., 25 octobre 2016, n° 16-80.366).

Cependant, sous l’influence du droit communautaire, cette jurisprudence avait été renversée en 2020 dans un arrêt Iron Moutain (Crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955). La chambre criminelle avait alors retenu « […] qu’en cas de fusion-absorption d’une société par une autre société […], la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ». Cette solution s’appuyait toutefois sur une directive européenne relative à la fusion des sociétés anonymes (directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes). La Cour de cassation avait par ailleurs limité expressément l’application de sa nouvelle solution aux fusions conclues postérieurement à la date de sa décision, hors cas de fraude, sur le fondement du principe de prévisibilité prévu par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Par arrêt du 22 mai 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a étendu cette solution aux sociétés à responsabilité limitée (« SARL »).

En l’espèce, une SARL avait commis plusieurs infractions au droit de l’urbanisme en 2015, avant d’être absorbée en septembre 2022 par une autre SARL. Cette dernière, condamnée par les juges du fond pour lesdites infractions, s’était pourvue en cassation, arguant qu’une telle condamnation violait le principe de responsabilité pénale personnelle.

Après avoir rappelé, au visa de l’article 121-1 du code pénal, que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait, la Cour de cassation souligne, en se fondant sur l’article L.236-3 du code de commerce applicable aux SARL, que la fusion-absorption n’emporte pas la liquidation de la société absorbée, mais seulement sa dissolution. Ainsi, le patrimoine de la société absorbée est transféré à la société absorbante.

La chambre criminelle ajoute que « […] la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée, permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la seconde avant l’opération de fusion-absorption ».

Par conséquent, la chambre criminelle rejette le pourvoi et juge que la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant une opération de fusion-absorption. La Cour, estimant sa doctrine raisonnablement prévisible depuis l’arrêt Iron Mountain de 2020, précise que cette solution s’applique aux fusions-absorptions conclues après le 25 novembre 2020.

 Crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180

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